AMOUR

Film de Michael Haneke
(Drame – France / Autriche – 2012 – 2h07)
Avec: Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert …
Palme d’Or du 64e festival de Cannes

Chez Michael Haneke, les individus sont placés devant ce qui les brise et l’existence est toujours filmée du point de vue d’un gâchis qui s’accomplit froidement en série de récits heurtés, volontairement choquants. Amour n’échappe pas à la règle. Un homme et une femme, Georges et Anne (Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, duo d’exception), octogénaires dans un appartement haussmannien tapissé de livres. Ils sont vieux mais encore vaillants. Pourtant, un matin, au petit déjeuner, Anne reste quelques minutes hébétée, les yeux dans le vide. On diagnostique un problème vasculaire nécessitant une opération qui, en définitive, tourne mal. Anne revient au bercail paralysée du côté droit. La situation, très vite, se dégrade et Georges doit assister sans recours à l’inexorable processus d’avilissement de celle avec qui il a toujours vécu. Le caractère destructeur du cinéma de Haneke aborde ici une nouvelle frontière, qui l’oblige à changer de posture. Il lui faut, peut-être pour la première fois, non plus verser l’acide sur le vernis d’un système social hypocrite et pourrissant mais sauver quelque chose du néant commun. A force de promener sur le monde contemporain un miroir cruel, Haneke a fini par croiser son propre reflet, et l’intellectuel sarcastique a pris peur. Tout peut s’arrêter, net, comme la musique au long d’Amour, qui n’est jamais donnée comme un morceau complet mais un segment de piano que le montage sectionne comme on décapite un poulet. La déchéance d’une femme malade, «rien de tout ça ne mérite d’être montré», dit Georges à sa fille qui oscille entre crise de nerfs et conseils inutiles. Haneke contredit son personnage, il lève le voile sur une expérience inhospitalière mais, de bout en bout, on sent qu’il cherche autre chose que l’enfonçage de portes ouvertes sur les misères de la fin de vie. En lui se superpose le savoir-faire du miniaturiste qui ne laisse aucun détail du quotidien au hasard mais aussi le tourment de celui qui refuse sa condition limitée et qui veut trouver un moyen d’avoir le dernier mot. L’amour à 80 ans n’est pas comme à 20 ans mais c’est toujours l’amour, peut-être même son degré d’achèvement ou de dépouillement ultime puisqu’il est débarrassé de tout enrobage romantique, réduit à l’essence de la vie partagée par deux êtres. Mise amour, mise à mort, telle est la martingale existentielle de ce film. Dans ce huis-clos somptueux, le réalisateur affronte la terreur de la mort à travers le dernier face-à-face de ce vieux couple. Pas de consolation, pas de pathos, pas de faux espoirs, pas de “Anne va s’en sortir et gambader”, pas de béquille divine, pas de sornettes sur le paradis ou l’enfer, pas de “Anne va être rappelée à Dieu” : la mort vue par Haneke est concrète, prosaïque, laïque, athée (elle est même autre chose, que l’on ne dévoilera pas mais qui suscitera forcément discussion). Un jour, la vie s’arrête, c’est très douloureux, c’est inacceptable. Il faut l’accepter, l’affronter. Haneke ne se (nous) raconte pas d’histoires et regarde l’inéluctable droit dans les yeux. En notre époque terrifiante de régression religieuse, cette placide et franche lucidité fait du bien. Bien que clinique, voire empreint de cruauté, Amour est constamment touchant, et parfois bouleversant.

Ce film est précédé du court métrage:
L’HOMME QUI DORT
Film de Inès Sedan (Animation – France – 2009 – 11’43 » – muet)

Sofia est une femme qui vit avec son mari qu’elle aime profondément. Mais son mari est un homme qui dort toujours et Sofia doit admettre que peut-être il ne se réveillera jamais.

Bande annonce

Lamastre (centre culturel) :
vendredi 23 novembre à 21h
mardi 27 novembre à 15h & 21h

Vernoux (salle Louis Nodon) :
dimanche 25 novembre à 17h
lundi 26 novembre à 18h & 21h

Chalencon (salle polyvalente) :
dimanche 25 novembre à 20h30