BACCALAUREAT

Film de Cristian Mungiu
Drame
– Roumanie, Belgique, France – 2016 – 2h08 – VOST
Avec Adrian Titieni, Maria Dragus, Lia Bugnar, Malina Manovici, Vlad Ivanov
Prix de la mise en scène exaequo Cannes 2016

Un film sobre et fort qui met en scène la question des fins et des moyens.
L’Humanité

Quatrième long-métrage de Cristian Mungiu, « Baccalauréat » poursuit la réflexion propre au cinéaste roumain autour du malaise existentiel que vit son pays depuis l’écroulement du communisme en 1989. Le tout porté par un même style de mise en scène toujours envoûtant.
Bande A Part

Bilan sombre (ou lucide) dressé par Mungiu au cours de ce parcours à travers un réseau complexe de situations, de dilemmes cornéliens, de faux-semblants, de vérités cachées ou apparentes : un pays ne se remet pas en un clin d’œil de quarante années d’un régime tel que celui dirigé par Ceausescu.
Les Inrockuptibles

SYNOPSIS

Romeo, médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux Sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…

CRITIQUE

Dans les années 70-80, on parlait du « cinéma de l’inquiétude morale ». Ce courant, venu de l’Est, et surtout de Pologne, avait deux Krzysztof comme hérauts : Kieslowski (Le Décalogue) et Zanussi (La Constante). L’Ouest se fichait un peu de « l’inquiétude morale ». Mais ce thème a continué de hanter les cinéastes dont l’adolescence — et le quotidien de leurs parents — avait été marquée par le poids du communisme. En Roumanie, nul ne pouvait éviter cet angoissant dilemme : se compromettre ou pas. Ruser ou sombrer…

Le talent de Cristian Mungiu, révélé par 4 Mois, 3 semaines, 2 jours (Palme d’or du festival de Cannes 2007), c’est de rendre pratique cette angoisse. On est constamment dans le concret. Dans l’instant précis où l’individu est contraint de se soumettre ou se démettre. Le héros de Baccalauréat est un médecin prénommé Roméo, dont il n’a pas vraiment le physique : la cinquantaine, un peu d’embonpoint et une jeune maîtresse qu’il a opérée avant de la séduire (!) et dont on ne sait trop si elle l’aime pour lui, par reconnaissance ou pour ses relations.

Car il semble que le but de chaque Roumain soit de forcer l’autre à lui être redevable. Tout le monde se rend « des services », impossible de vivre sans… Contrairement à son épouse, pour qui les mots « devoir » et « honneur » ont encore de l’importance, Roméo n’est plus l’idéaliste qu’il était. Son attente des lendemains qui chantent n’a pas résisté aux Ceausescu, à la peur ambiante, à la pauvreté permanente. Mais aussi, sans doute, à sa propre médiocrité. Sa seule obsession, désormais, est de sauver sa fille : si elle obtient une moyenne de 18 à son bac, elle bénéficiera d’une bourse qui lui permettra de quitter ce fichu pays et d’étudier en Angleterre. Plutôt douée pour les études, l’adolescente se fait agresser, la veille des examens. Elle rate une partie des épreuves… Roméo demande un peu partout « des services ». En échange d’un foie tout neuf, un homme influent lui promet d’intervenir auprès d’une ponte qui pourra corrompre le correcteur des copies… Roméo accepte, Roméo fonce sans entrevoir le piège qui, évidemment, se referme sur lui.

C’est cet engrenage que décrit Cristian Mungiu avec une froideur presque suave, où les faits (une vitre brisée) ­angoissent autant que les sentiments. Les plans-séquences qu’il affectionne, qu’il fait durer le plus possible lui permettent de créer un suspense physique sur une errance morale. La satire sur la corruption vire au polar noir : on contemple, par vagues successives, un homme qui se noie… S’il complique inutilement son scénario dans la dernière demi-heure, Cristian Mungiu reste jusqu’au bout fulgurant. En osmose avec son comédien, Adrian Titieni, étonnant dans l’autodérision, comme savaient l’être Ugo Tognazzi et Alberto Sordi, les grands Italiens de ­jadis.

Pierre Murat – Télérama

SÉANCES

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