EVA NE DORT PAS

affiche-eva-ne-dort-pasFilm de Pablo Aguero
Drame – France, Argentine, Espagne – 2016 – 1h27 – VOST
Avec Gael García Bernal, Denis Lavant, Daniel Fanego

Agüero construit un singulier polar historique à l’esthétique aussi minimaliste que racée: une succession de séquences-tableaux asphyxiantes, et néanmoins euphorisantes car pleines d’esprit, captées en clair-obscur. Ici, comme chez Rembrandt, la lueur émane de l’obscurité.
Première

Nous voilà devant un film passionnant et apolitique. En cédant à la fascination historique, à la fidélité tendance croque-mort, on y jouit d’une belle galerie de portraits.
Libération

SYNOPSIS

1952, Eva Perón vient de mourir à 33 ans. Elle est la figure politique la plus aimée et la plus haïe d’Argentine. On charge un spécialiste de l’embaumer. Des années d’effort, une parfaite réussite. Mais les coups d’état se succèdent et certains dictateurs veulent détruire jusqu’au souvenir d’Evita dans la mémoire populaire. Son corps devient l’enjeu des forces qui s’affrontent pendant 25 ans. Durant ce quart de siècle, Evita aura eu plus de pouvoir que n’importe quelle personnalité de son vivant.

CRITIQUE

Le dignitaire avance sous la pluie, suivi par des ombres baraquées et armées. Et par une voiture fantomatique qui semble cracher des flammes. Il en jette dans son bel uniforme de chef, de héros de la nation. Lorsque, un gant délicatement ôté avec ses dents, il allume une cigarette à un briquet dont la flamme le rassure sur sa virilité, une intense ­satisfaction se lit sur son visage. Et les insultes se bousculent dans sa tête. Vingt-cinq ans que lui et ses confrères dictateurs ont poursuivi cette « putain », cette « femelle » que le peuple refusait d’oublier. Cette « chienne » qui avait, en son temps, livré l’Argentine à ce que le pays sécrétait de plus ignoble, de plus choquant, de plus dégoûtant : les pauvres. Cette « catin » qui avait osé mourir, un soir de 1952, à 33 ans, comme le Christ… Le péché, la faute suprême avait été de ne pas détruire son corps, que les imbéciles vénéraient comme celui d’une sainte. Mais lui, avec sa belle casquette, son bel uniforme, la grande flamme de son beau briquet, allait venger les siens, réussir ce qu’ils avaient tous raté… Il allait détruire Evita Perón.

De l’odyssée (vraie) de la dépouille d’Evita, traquée, sauvée, puis cachée, des années durant, au Vatican, Pablo Agüero a tiré un cauchemar maléfique. Un opéra sombre. Un conte gothique. A lui seul, le laboratoire où Evita flotte, comme en apesanteur, noyée dans des flots de liquide amniotique, ressemble au décor d’un film de la Hammer (en plus sophistiqué). Et l’embaumeur, à force de déployer et de plier les jambes d’Evita, d’écarter un à un les doigts de sa main ou d’effacer la moindre ride sur son visage, finit par ressembler à un savant fou, style Frankenstein, mais qui se serait donné la mission de réunir l’esprit et la chair. Rendre son âme à un corps mort… Aucun mysticisme, en revanche, dans ce camion brinquebalant où un mercenaire français, à la tête cabossée comme un héros de jeu vidéo, tente de convoyer hors du pays une Evita enfermée dans une malle et, décidément, indestructible…

Car cette morte de plus en plus vive semble se moquer des vivants. Elle est partout. Enlevé par de jeunes révolutionnaires qui le séquestrent dans une cave, le général Aramburu (l’un des plus féroces adversaires d’Evita : il avait fait voter une loi interdisant que son nom soit prononcé en public… ) croit même la reconnaître parmi ses ravisseurs. Même blondeur, mêmes traits réguliers, mêmes cheveux relevés sur la nuque. C’est elle ! Non sans ironie, Pablo Agüero filme cette femme en chignon comme Kim Novak dans Vertigo, de Hitchcock : l’histoire d’un fantôme qui, lui aussi, revenait d’entre les morts.

Le film est surprenant, exigeant, cherchant la vérité des êtres et de l’Histoire non dans les faits (c’est le but des documentaires) mais dans l’invention. L’imaginaire. On est, donc, une fois encore, dans l’opposition — légèrement forcée, mais éclairante — entre les frères Lumière et Georges Méliès. Visiblement, Pablo Agüero préfère Méliès.
Pierre Murat- Télérama

SÉANCES

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