MA VIE AVEC LIBERACE

Film de Steven Soderbergh
(Biopic – USA – 2013 – 1h59 – V.O.S.T.)
Avec: Michael Douglas, Matt Damon, Dan Aykroyd…

Avant Elvis, Elton John et Madonna, il y a eu Liberace : pianiste virtuose, artiste exubérant, bête de scène et des plateaux télévisés. Liberace affectionnait la démesure et cultivait l’excès, sur scène et hors scène. Un jour de l’été 1977, le bel et jeune Scott Thorson pénétra dans sa loge et, malgré la différence d’âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une liaison secrète qui allait durer cinq ans. « Ma Vie avec Liberace » narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.

“Au dernier Festival de Cannes, la projection de Ma vie avec Liberace produisit le fameux effet avant-après. C’était comme si, tout à coup, une mirifique et impétueuse Nef des folles avait éperonné le bunker, déposant ses nuages de strass et de plumes de cygne sur une assistance qui n’imaginait pas à quel point elle en avait besoin. Pour le public français, et plus généralement non états-unien, c’était aussi l’occasion de faire mieux connaissance avec l’une des plus fabuleuses créatures du bestiaire show-biz américain : l’ineffable Liberace. Ma vie avec Liberace brille, en effet, mais pas seulement par sa matière, pas seulement parce qu’il enivre et éblouit. Lorsque tous ses feux sont éteints, il scintille toujours : au-delà de son chatoiement, le film est par lui-même brillant. Inspiré d’un livre de souvenirs, Behind the Candelabra («Derrière le candélabre»), écrit par Scott Thorson quelques années après sa relation amoureuse avec la star, le scénario a d’abord la grande sagesse de n’être pas un portrait du vieux Liberace, mais la chronique de ce jeune homme-là, «all American boy» élevé à la campagne par une famille d’accueil, vaguement bisexuel et pas du tout gigolo dans l’âme. Comment Scott va à la rencontre d’un monde pour lequel il n’est pas armé. Comment il y plonge avec fascination et vertige, mais aussi la trouille au ventre, comment il traverse ce millefeuille d’apparences derrière lequel se cache toujours l’insaisissable vérité de son prodigieux micheton. Et comment, de ce monde dont il va goûter tous les sucres et le fiel, il finira jeté comme une vieille pute inutile, vénale, refaite et droguée… Voilà l’histoire qui nous est contée. Sur le seul chapitre du cas d’étude, Ma vie avec Liberace est déjà une petite merveille. Malgré quelques Macadam Cowboy ou My Own Private Idaho, l’histoire du cinéma américain est très avare en portraits de ce genre, qui cherchent à scanner en profondeur la figure du «toy boy». La façon dont Matt Damon se prête à l’exercice promet elle aussi de faire date. Tenant la dragée haute à un Michael Douglas dominateur et superlatif, la performance de Damon relève du plus bouleversant don de soi : dans l’innocence des premières saisons comme dans l’enfer des dernières, il donne une vérité inouïe et un mystère oppressant à son personnage. Dans un autre registre, l’apparition de Rob Lowe dans le rôle du diabolique docteur Startz (charcutier esthétique du fretin people des années 70), rédime à elle seule la carrière sacrifiée de l’acteur. Parmi les talents de Steven Soderbergh à faire prendre son extravagante mayonnaise, il faut saluer la substance, la vérité affective qu’il donne à la relation entre Scott et Liberace. A la fois pourrie à la racine et sincère, cette liaison atteint une sorte de féerie pathétique lorsque le cinéaste parvient à en fixer, sous les trompe-l’œil d’un décor surchargé, le prosaïsme conjugal, cette tendresse simple qui sera la seule exigence sentimentale réellement formulée par Liberace : «Être gentils et attentionnés l’un pour l’autre.» Tentation critique sans doute incongrue : Ma vie avec Liberace nous apparaît aussi comme ce que Steven Soderbergh et avec lui le cinéma américain peuvent produire de plus fellinien. Mais avec cette dimension particulière d’un regard latéral. Là où Fellini travaillait à traduire en formes de cinéma ses fantasmes intimes, c’est le réel délirant et la réalité délirée d’une certaine Amérique que Soderbergh parvient à reconstituer. Résultat : un point d’orgue – et de satin – dans sa filmographie. »
Olivier Séguret – Libération

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