FOXFIRE – CONFESSION D’UN GANG DE FILLES

affiche foxfireFilm de Laurent Cantet
(Drame – Canada / France – 2013 – 2h24 – V.O.S.T.)
Avec: Raven Adamson, Katie Coseni, Madeleine Bisson, Paige Moyles …
film programmé dans le cadre du festival Roman & Cinéma

1955. Dans un quartier populaire d’une petite ville des États-Unis, une bande d’adolescentes crée une société secrète, Foxfire, pour survivre et se venger de toutes les humiliations qu’elles subissent. Avec à sa tête Legs, leur chef adulée, ce gang de jeunes filles poursuit un rêve impossible : vivre selon ses propres lois. Mais l’équipée sauvage qui les attend aura vite raison de leur idéal.

« Un groupe adolescent, écrasé par l’inégalité, en lutte contre l’institution : par deux fois, Laurent Cantet aura lancé une escouade de jeunes gens à l’assaut de citadelles imprenables. Pourtant, Foxfire et Entre les murs (Palme d’or 2008 à Cannes) sont tout à fait dissemblables, avec pour point commun unique le regard passionné que pose un quinquagénaire sur ce moment de la vie si propice à la révolution. On laissera donc les adolescents parisiens d’aujourd’hui à leur salle de classe pour partir loin, dans l’espace et dans le temps. Foxfire, confessions d’un gang de filles est adapté d’un roman de Joyce Carol Oates de 1993. L’auteure imaginait le récit par l’une de ses membres des exploits d’une bande d’adolescentes qui terrorisent une petite ville du nord de l’Etat de New York, au temps d’Eisenhower. A l’opposé de la matière semi-documentaire que Cantet a souvent travaillée, on saute ici à pieds joints dans la fiction. Rien n’indique qu’un groupe de filles aux idéaux révolutionnaires ait sévi à l’époque aux États-Unis. Affranchi de la réalité, Laurent Cantet lui témoigne pourtant toujours le même respect. Ce qu’il veut montrer doit obéir aux lois de la vie en société, et la dynamique du groupe des filles est dépeinte avec une exactitude mathématique, pour mieux amener les paroxysmes, la tragédie. Au centre de ce groupe, on trouve Legs (Raven Adamson), orpheline de mère, abandonnée par son père, animée par une colère inextinguible. Elle attire des particules de désordre : Maddy (Katie Coseni), une intellectuelle frustrée (elle est d’un milieu trop modeste pour que les enseignants lui prêtent attention), Rita (Madeleine Bisson), victime des désirs que suscite sa beauté, Goldie (Claire Mazerolle), une authentique brute. Legs se forge toute seule une idéologie révolutionnaire, empruntant quelques bribes de discours à un prêtre défroqué, passé à l’alcoolisme avec un détour par le léninisme, et fonde une société secrète, qu’elle baptise Foxfire. Le groupe commence par se venger des hommes qui les oppriment, les menacent et les violentent. Ses premiers exploits (graffitis, corrections musclées) sont filmés avec une jubilation qu’on ne connaissait à l’auteur. La bête machiste n’est pas sans ressources et prend bientôt le dessus sur les révolutionnaires. Legs se retrouve en maison de correction. Foxfire a été tourné dans l’Ontario, où l’on trouve encore les paysages urbains qui ont disparu des villes des Etats-Unis. Laurent Cantet a fouillé pour faire remonter à la surface ce que l’on ne voit quasiment jamais des années 1950 lorsque le cinéma américain s’en empare : la pauvreté, l’inégalité, la violence institutionnelle. Bien sûr, les voitures sont grosses, et les autoradios crachent la musique de l’époque, rock’n’roll générique, ballades sirupeuses. Mais ces lieux communs ne sont là que parce qu’on ne peut faire autrement. D’ailleurs, sur la bande-son, on entend mieux le très contemporain et très mélancolique groupe canadien Timber Timbre que les classiques de l’époque. La deuxième partie du film, après la libération de Legs, oppose l’euphorie de la violence révolutionnaire à la difficulté de l’utopie réalisée. La bande de filles, qui ne fait que croître, connaît les affres de toutes les organisations : les factions, les rivalités entre orthodoxes et novateurs, le culte de la personnalité, le poids de l’organisation quotidienne, le risque de la surenchère dans l’action – jusqu’au drame. A la place des intellectuels exaltés que l’on trouve d’habitude dans ces situations, Joyce Carol Oates et Laurent Cantet ont placé des adolescentes qui ne sont pas seulement mues par la soif d’absolu ou l’envie de pouvoir, mais aussi par le désir. C’est dans cette double nature des personnages que réside la force d’attraction de Foxfire. Cantet a choisi ses actrices parmi des jeunes filles inexpérimentées avec le même bonheur que pour Entre les murs. Il a demandé à ces teenagers qui ont l’âge (et la nationalité) de Justin Bieber de revenir à un état d’innocence et de révolte qu’elles semblent avoir trouvé du premier coup. Raven Adamson et ses camarades se meuvent dans cet univers flottant entre histoire et utopie avec une aisance à couper le souffle. Ce sont elles qui font oublier les artifices du scénario et font passer les démonstrations politiques un peu systématiques. Elles, finalement, qui raniment la flamme de la révolte. »
Thomas Sotinel – Le Monde

Vernoux en Vivarais (Salle Louis Nodon)
dimanche 06octobre à 13h30

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