JUSTE LA FIN DU MONDE

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Film de Xavier Dolan
Drame – Canada, France – 2016 – 1h35
Avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Léa Seydoux, Vincent Cassel, Marion Cotillard
Grand Prix – Festival de Cannes 2016

Le film est bavard, lyrique, parfois hystérique, mais la caméra de Xavier Dolan a su divinement capter les regards d’une cérémonie d’adieu qui vire au chaos. L’intensité dramatique est à son comble. On est bouleversés.  
Elle

Faire jouer à ces acteurs-là (sans oublier Léa Seydoux), tous célèbres et rayonnants, une partition aussi noire, radicale et minoritaire, d’un dramaturge plutôt méconnu, voilà un geste artistique fort et ambitieux. Une manière exemplaire d’entretenir la flamme de la cinéphilie.
Télérama

Le Québécois s’est mis en danger avec ce nouveau film : adaptation d’une pièce de théâtre, un casting de stars françaises… Pari réussi : la magie Dolan fait son œuvre, une nouvelle fois.
Culture Box – France Télévisions

SYNOPSIS

Après douze ans d’absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine.
Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où l’on dit malgré nous les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.

CRITIQUE

Ce sixième long métrage de Xavier Dolan est aussi le premier où nul accent québécois ne retentit — les acteurs sont tous français. Il y a déjà un petit miracle dans la préservation du style du cinéaste sans sa signature sonore la plus repérable. L’équilibre, plutôt le déséquilibre, entre outrance et acuité, entre drame et comédie, qui a fait l’éclat des films précédents, est bien là, tout de suite, mais dans une autre « musique ». Presque une langue différente.

D’emblée, il y a aussi la force de la pièce de Jean-Luc Lagarce que Xavier Dolan adapte, en la modifiant beaucoup. Avec ce texte reviennent, en filigrane, les douleurs d’une époque déjà lointaine, où il était fréquent de mourir du sida — comme Lagarce, en 1995. Et où l’homophobie, plus virulente encore qu’aujourd’hui, déchirait les familles concernées. Même gommé (l’action se situe « quelque part, il y a quelque temps »), ce contexte infuse le film.

Le héros (Gaspard Ulliel, doux et fantomatique), 34 ans, revient dans sa modeste famille provinciale, avec le projet d’annoncer sa mort prochaine. Il n’a pas vu sa mère, son frère aîné ni sa petite soeur depuis douze ans. Il n’a jamais rencontré sa belle-soeur, même à l’occasion de la naissance de ses neveux. Il écrit pour le théâtre, dans la capitale.

Dès le retour du jeune homme à la maison, Juste la fin du monde suggère l’impossibilité de la moindre communication entre ces êtres. Plus rien (ni personne) n’est comme avant. Ecrasé par la mélancolie, le revenant n’arrive pas à dire. Les autres ne veulent pas, ne peuvent pas entendre ce qu’ils devinent sans doute. C’est un moment de gêne absolue et de diversions hystériques. Un moment où toutes les névroses familiales, les jalousies, les frustrations, mais aussi les adorations, encore plus inavouables, se rejouent une dernière fois, dans le chaos. Depuis J’ai tué ma mère jusqu’à Mommy, c’est la honte de soi qui sépare les membres d’une famille dans les films de Xavier Dolan. L’affinité avec la pièce de Lagarce paraît donc totale.

D’autant que le réalisateur ne commet pas l’erreur de fuir le théâtre : il le revendique, comme pour Tom à la ferme. Hormis une violente scène en voiture entre les deux frères (et encore, on reste dans l’habitacle, avec eux), le huis clos est assumé. Mais des bouffées de lyrisme impromptues, sans ­parole, viennent régulièrement suspendre la dispute familiale. Tout se joue alors sur les visages en gros plan, dans les échanges de regards, d’une ­intensité magnifique.

A chaque comédien Xavier Dolan donne le temps de livrer de l’inédit. Il ose étirer les scènes plus que de raison, pour faire surgir des nuances et des intonations bouleversantes. Le grand frère prolo et ordurier (Vincent Cassel) semble d’abord un faire-valoir comique, jusqu’à ce que ses fêlures, hurlées, envahissent l’espace. La nervosité fofolle de la mère peinturlurée (Nathalie Baye) dévoile peu à peu une folie plus profonde, peut-être proche de la sagesse. La belle-soeur effacée et bafouillante (Marion Cotillard) devient une belle figure de la compassion, en même temps qu’une vestale de la vie qui doit continuer… Faire jouer à ces acteurs-là (sans oublier Léa Seydoux), tous célèbres et rayonnants, une partition aussi noire, radicale et minoritaire, d’un dramaturge plutôt méconnu, voilà un geste artistique fort et ambitieux. Une manière exemplaire d’entretenir la flamme de la cinéphilie.

Louis Guichard – Télérama

 

SÉANCES

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