LES MILLE ET UNE NUITS VOL.2: LE DÉSOLÉ

Affiche les mille et une nuit vol 1Film de Miguel Gomes
(Historique / Drame – Portugal – 2015 – 2h11 – V.O.S.T.)
Avec: Crista Alfaiate, Dinarte Branco, Carloto Cotta, Adriano Luz, Rogério Samora …

Dans le Portugal en crise, un réalisateur se propose d’écrire des fictions inspirées de la misérable réalité dans laquelle il est pris. Mais incapable de trouver un sens à son travail, il s’échappe lâchement et donne sa place à la belle Schéhérazade. Il lui faudra bien du courage et de l’esprit pour ne pas ennuyer le Roi avec les tristes histoires de ce pays ! Alors qu’au fil des nuits l’inquiétude laisse place à la désolation et la désolation à l’enchantement, elle organise ses récits en trois volumes.

« Les dirigeants de la zone euro feraient bien de faire une cure de Mille et Une Nuits version Miguel Gomes, ça les aiderait peut-être à injecter un peu de solidarité et de poésie dans leur rigidité et leur sérieux d’épiciers comptables. Pour ce qui est de nous, spectateurs désolés, ce film-fleuve à l’inspiration libertaire nous aide sans coup férir à supporter le désespérant paysage politico-économique de notre continent, à le regarder avec distance et ironie. Dans ce deuxième volume, nous emboîtons la parole de la Shéhérazade contemporaine de Gomes pour suivre cette fois les aventures de Simao “sans tripes”, un vagabond brigand hédoniste qui rôde dans les petites montagnes du Portugal, se fait servir des repas plantureux en pleine nature, tel un seigneur de l’Antiquité, et dort à la belle étoile en compagnie d’un charmant gynécée. Roi, mendiant, voleur, criminel, telle est la condition plurielle de Simao, allusion à peine voilée à notre situation réelle ou virtuelle d’Européens. Finalement arrêté par la police, Simao est acclamé par le peuple tel un champion cycliste sur les routes du Tour, parce qu’il a résisté au système et vengé un temps ses perdants, par procuration. Le cheminement flâneur mais logique de Gomes (après le hors-la-loi, la loi) nous entraîne ensuite dans une des pièces de résistance de son film : un procès sis dans un amphithéâtre de verdure, lieu évoquant concrètement et symboliquement, oui, encore et toujours, la Grèce. Le genre “film de procès” prend ici une tournure à la fois épique, absurde, tragi-comique et hautement symbolique. Accusés, témoins et spectateurs sont tous massés dans les gradins, face à la juge. Celle-ci doit régler un litige financier entre deux individus. Mais si l’un ne peut pas rembourser l’autre, c’est parce que lui- même est en manque de fonds pour une raison indépendante de sa volonté. De fil en aiguille, c’est toute l’assemblée, toute la société qui est “coupable”, donc personne en particulier. Tel un effet papillon dévoilé et disséqué à rebours, ce procès montre que le simple enchaînement de multiples causes et effets aboutit à l’impasse financière, à l’absurde aporie politico-économique qui plonge tant de gens dans la précarité. Cette séquence extraordinaire de dramédie et de philosophie, de morale et de politique (située à l’exact milieu du film et de ses trois volumes), devrait être projetée en boucle à tous nos puissants impuissants (déjà ridiculisés dans le volume 1). Heureusement, les perdants des jeux économico-financiers réussissent parfois à faire entendre leur voix. Une étudiante asiatique transplantée à Lisbonne raconte une manif de policiers (images lisboètes et voix chinoise, ce simple écart suffit à creuser l’espace de notre imaginaire et à produire du cinéma), puis on enchaîne sur la célébration du 25 Avril et de la révolution des œillets : le peuple chante en chœur son hymne national et ça donne la chair de poule, car on pense alors autant aux promesses toujours possibles de cette révolution qu’à leurs trahisons, à la puissance du collectif et à l’éternelle roue dialectique de l’histoire. Il y a des vaincus, des déçus, des cocus, mais leur force de rassemblement promet toujours l’espoir à venir d’un renversement ou au moins d’une inflexion de l’ordre injuste du monde. Ces vaincus de l’histoire vivent souvent dans les tours HLM en lisière des villes, où nous emmène Gomes. Le Désolé campe son dernier chapitre dans une de ces cités dont l’actu est friande et sur lesquelles Gomes pose un tout autre regard. Il y a certes les ascenseurs suintant la pisse (encore la jonction du réel et du symbolique), mais aussi un veuf solitaire qui dort chaque nuit dans une chambre différente de son appartement, un vieux couple qui s’est connu en prenant le même bus, un chien baladeur et peut-être fantôme… Dans cette cité austère, l’insolite, le mystère, la poésie, le romanesque s’insinuent. Ses occupants sont vaincus par la réalité économique, mais dignes d’être les personnages d’un film, les héros de dix ou cent fictions potentielles. Comme Simao, il faut rester royal dans le dénuement. Ce que fait Gomes, qui se saisit de la crise de son pays pour faire résonner les ressources du cinéma et les puissances de l’imaginaire. Le volume 3 s’intitule L’Enchanté, mais ce Désolé nous enchante déjà. »
Serge Kaganski – Les Inrocks

Vernoux (espace culturel Louis Nodon)
samedi 05 septembre à 21h
dimanche 06 septembre à 18h
lundi 07 septembre à 21h

Lamastre (centre culturel)
jeudi 03 septembre à 21h
mardi 08 septembre à 21h

Chalencon (salle polyvalente)
dimanche 06 septembre à 20h30

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