LES MILLE ET UNE NUITS VOL.3: L’ENCHANTE

Affiche L'enchantéFilm de Miguel Gomes
(Historique / Drame – Portugal – 2015 – 2h05 – V.O.S.T.)
Avec: Crista Alfaiate, Dinarte Branco, Carloto Cotta, Adriano Luz, Rogério Samora …

Dans le Portugal en crise, un réalisateur se propose d’écrire des fictions inspirées de la misérable réalité dans laquelle il est pris. Mais incapable de trouver un sens à son travail, il s’échappe lâchement et donne sa place à la belle Schéhérazade. Il lui faudra bien du courage et de l’esprit pour ne pas ennuyer le Roi avec les tristes histoires de ce pays ! Alors qu’au fil des nuits l’inquiétude laisse place à la désolation et la désolation à l’enchantement, elle organise ses récits en trois volumes.

« Il faut donc avoir vu les trois volumes de l’œuvre monumentalement bricolée de Miguel Gomes pour en saisir toute l’envergure à la fois magique et désespérée : dire et montrer le Portugal d’aujourd’hui, de la crise et de l’austérité économique, et en enchanter les mille et un petits miracles quotidiens, fictionnels, poétiques, qui le sauveront, forcément, parce que les lucioles reviennent toujours même quand les économistes semblent avoir définitivement pris le pouvoir sur la conduite du monde. Ce troisième volume, résumons-le, mais sans le comparer aux deux autres. Il est tout aussi bien. Les trois volumes font bel et bien un seul film, hétéroclite, inégal, foutraque, pince-sans-rire, angoissé, désinhibé. […] On retrouve ici la liberté des deux premiers, obligatoirement. Une liberté romanesque, qui mêle le faux et le vrai, personnages de fiction et réels, sans que la frontière sinon n’apparaisse, en tout cas nous importe. Tout est vrai, tout est faux. Il y a aussi quelques traces du cinéma brésilien post-Glauber Rocha dans cet Enchanté, au début, avec ces scènes de bonheur amoureux, charnel et musical, comme un hommage du Portugal à son grand petit frère brésilien, sa joie bossa nova déjantée et païenne, syncrétique, archaïque. On pense ainsi aux films de Julio Bressane, un cinéma épiphanique et plutôt sous acide qui explosait dans les années 70. Éclatement du récit, des désirs et des personnages, littéralement. Joie sensuelle et sexuelle, ode à la paresse, à l’amour et à la procréation joyeuse et libérée. Shéhérazade, un peu dépassée, s’endort, se réveille, parle, se tait. Et puis il y a un long chapitre sur les passionnés d’oiseaux. Comme une nouvelle métaphore (ces six heures ne sont qu’une recherche profondément triste et pleine d’espoir de trouver de nouvelles métaphores cinématographiques pour chanter d’une autre manière le monde présent) de ce Portugal d’aujourd’hui, à la fois artiste, combatif, populaire, poète, libertaire, bercé de sa propre histoire passée (la révolution des œillets dans les années 70), qui vit de passions aussi folles que celle d’apprendre à chanter à des oiseaux, à les “retourner” selon l’expression apparemment consacrée. Des hommes qui veulent apprendre aux oiseaux à chanter, c’est un peu fou et beau, réjouissant, non ? Limiter la parole de la trilogie au Portugal serait donc évidemment absurde. Les Mille et Une Nuits de Miguel Gomes, pari fou, c’est, avec d’autres films, comme Révolution Zendj de Tariq Teguia, le film de cinéma le plus moderne de 2015. Et sans doute celui de 2016. C’est le film grec, le film espagnol, le film des révolutions européennes à venir. Ou pas. En gros, il faut à un moment se poser des questions qui dépassent la seule fonction professionnelle du cinéaste : à quoi ça sert de faire des films, si c’est pour ne pas au moins essayer de changer un tout petit peu le monde (vieille idée héritée du surréalisme) ? Si c’est seulement fait pour plaire à des petits profs de cinéma ou à des directeurs de grands festivals, plus enclins à y célébrer un cinéma petit-bourgeois qui se tirlipimponne le chihuahua avec des images tapageuses, rien derrière que de la bêtise, de petites blagues à l’humour froid et des constructions scénaristiques vaines … Il y a un malaise mondial dans l’œuvre des cinéastes cultivés, de Weerasethakul à Gomes en passant par Sylvain George. Ils voient bien que rien ne tourne plus rond. Ils ressentent un désir de retour du politique dans le champ poétique. Car c’est la question qui se pose à lui, à ce bon vieux cinéma qui sut à certains moments clés de l’histoire du XXe siècle (années 60 et 70), s’engager artistiquement et politiquement : revenir à une certaine radicalité chatoyante afin de réenchanter un monde qui n’émettait plus rien de vital, de flamboyant, de galvanisant, d’irrationnel. Nous voulons de la radicalité à nouveau, de la folie, du style. Et pas du cinéma “radical-socialiste” tendance IIIe République, n’est-ce pas…  »
Jean-Baptiste Morain – Les Inrocks

Vernoux (espace culturel Louis Nodon)
samedi 19 septembre à 21h
dimanche 20 septembre à 18h
lundi 21 septembre à 21h

Lamastre (centre multimédia)
jeudi 17 septembre à 21h
mardi 22 septembre à 21h

Chalencon (salle polyvalente)
dimanche 20 septembre à 20h30

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