L’OEIL INVISIBLE

affiche l'oeil invisibleFilm de Diego Lerman
(Drame – Argentine / France – 2011 – 1h35 – V.O.S.T.)
Avec: Julieta Zylberberg, Osmar Núñez, Marta Lubos …
film programmé dans le cadre du festival Roman & Cinéma

Buenos Aires, mars 1982. Dans les rues de la capitale argentine, la dictature militaire est contestée. María Teresa est surveillante au Lycée National de Buenos Aires, l’école qui forme les futures classes dirigeantes du pays. Elle a 23 ans et veut bien faire. M. Biasutto, le surveillant en chef, décèle tout de suite en elle l’employée zélée qu’il attendait et lui apprend à être l’œil qui voit tout, mais qui échappe aux regards des autres : l’œil invisible. María Teresa se lance alors dans une surveillance acharnée de ce petit monde clos, imaginant, décelant, traquant…

« […]  Le film, qui fut présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2010, plonge en apnée dans l’Argentine de la dictature. L’action se passe dans l’enceinte d’un lycée privé de Buenos Aires, en 1982, à la veille de la guerre des Malouines, peu avant la chute du régime militaire. Elle gravite autour de María Teresa, une jeune femme chargée de faire respecter l’ordre martial dans l’établissement. Inspectrice des travaux finis d’un corps collectif voulu parfait, elle est payée pour traquer le signe de laisser-aller le plus imperceptible, la moindre mèche de cheveux qui dépasse, le plus petit écart de posture… Dans ce cadre rigide et cloisonné, la caméra de Diego Lerman glisse silencieusement, recréant, dans des couleurs mordorées, à la limite de la saturation, une atmosphère ouatée de terreur sourde. María Teresa vit chez sa mère, avec sa grand-mère, dans un appartement triste et étriqué. Elle ne sait pas grand-chose, ni de la dictature ni de la vie. Seulement que son père a dû disparaître pour des raisons qu’il vaut mieux taire. Comprimant chaque jour sa crinière sensuelle dans un petit chignon qui semble la soustraire à elle-même, elle vit au rythme de sa routine répressive jusqu’au jour où le regard d’un de ses élèves la trouble. Pour observer le jeune homme de plus près, elle invente un complot subversif au sein de l’école qui justifie auprès de sa hiérarchie une surveillance accrue de sa part, et invisible. La très digne surveillante passe dès lors le plus clair de son temps dans les toilettes des garçons. Depuis cet endroit sordide, malodorant, elle donne libre cours à ses fantasmes. Vierge à 23 ans, travaillée par une libido violemment refoulée, María Teresa, vaillant petit soldat de la dictature, se révèle en être tout autant une victime. Entre le surveillant et le surveillé, le bourreau et la victime, les rôles sont réversibles à l’infini, et c’est dans cette réversibilité même que réside la terreur. Lerman ne juge pas son personnage, il le maintient dans une opacité ambiguë. L’intelligence de sa mise en scène tient à la manière dont il décortique le système qui l’a fabriqué, jouant aussi bien avec l’architecture panoptique du lycée qu’avec les transformations quotidiennes de María Teresa. L’austérité de la jeune femme, sa soumission à l’autorité ont tout pour plaire à son supérieur hiérarchique, M. Biassuto, sinistre incarnation de l’ordre patriarcal qui lui confie avoir fait couler le sang lors du coup d’Etat, engagé qu’il était dans la guerre contre la « subversion ». Portant le motif de la réversibilité à son comble, cette confidence lourde de menace se retournera contre son destinataire. L’Œil invisible fait penser à un autre film sud-américain récent, Santiago 73, post mortem dans lequel, en faisant le portrait d’un petit fonctionnaire qui devenait assassin, Pablo Larrain radiographiait les mécanismes de la dictature de Pinochet. Les deux films se terminent l’un comme l’autre dans un déchaînement de violence dont on sait qu’elle restera impunie. Malgré tout, L’Œil invisible est plus ouvert. Inscrit dans la période des derniers soubresauts de la dictature, son final violent n’est pas aussi noir que celui de Santiago 73. Alors que la rumeur de la rue gronde dehors, il porte en lui le souffle galvanisant de la révolte et de l’émancipation […]. »
Isabelle Regnier. – Le Monde

Vernoux en Vivarais (Salle Louis Nodon)
samedi 05 octobre à 17h

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