SAINT LAURENT

Affiche Saint LaurentFilm de Bertrand Bonello
(Biopic – France – 2014 – 2h30)
Avec: Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Léa Seydoux, Louis Garrel, Jasmine Trinca …
Compétition officielle – Cannes 2014

De 1965 à 1976. Les joies et les souffrances de celui qui voulait être le meilleur de sa génération, faire descendre la mode dans la rue et habiller la femme moderne, dans un monde qui change, noyé de fête et d’insouciance. La rencontre de l’un des plus grands couturiers de tous les temps avec les années 70. Aucun des deux n’en sortira intact.

« Qui suit de loin les sorties ­cinéma aura l’impression d’un étrange bégaiement de l’actualité, avec ce deuxième film français consacré à Yves Saint Laurent, neuf mois après le premier, et au titre quasi identique – seul le prénom du créateur a disparu. De près, ces deux biopics diffèrent du tout au tout. Celui de Jalil Lespert racontait d’abord une histoire – l’histoire officielle. Celui de Bertrand ­Bonello joue et jongle, voire fantasme, avec les faits biographiques. Comme s’il s’agissait d’exhumer un monde évanoui. Autant dire, de retrouver un temps perdu. YSL à la lumière de Marcel Proust, voilà la grande idée. Dès la première scène, Saint Laurent s’installe incognito dans une chambre de palace réservée par lui au nom de M. Swann… On sait quel culte le couturier vouait à l’auteur de La Recherche. Lors de son discours d’adieux, en 2002, il l’avait ­cité, non sans orgueil : « La magnifique et lamentable famille des nerveux est le sel de la terre.» Bertrand Bonello s’en est souvenu, et au-delà des références explicites à ce culte (on voit Pierre ­Bergé — Jérémie Renier — offrir à Yves un tableau représentant la chambre de l’écrivain), il réussit un film subtilement, mystérieusement proustien. Si la période couverte va de 1967 à 1976, le temps du film est mouvant, circulaire, tramé de réminiscences et de prémonitions — la vieillesse y dialogue avec l’enfance. Cette chronologie à la fois linéaire et déconstruite séduit ­intensément : on attend sans cesse la suite du récit tout en restant à la merci de scènes et de visions imprévisibles. D’un côté, la marche triomphale d’un couturier au sommet de sa créativité. De l’autre, l’infusion lente d’une mélancolie tournant à la déraison ; les ­addictions ravageuses qui contaminent l’image apollinienne du jeune homme au travail. Sa mère lui cite un poème qu’il avait écrit à l’adolescence : « Tu as tout. La beauté, la richesse, la jeunesse. C’est beau d’être comme ça. Mais de cette vie, tu es déjà las. Tu n’en as plus envie. » Comme Proust fait rêver ses lecteurs à un monde aristocratique qu’il juge foncièrement décevant, le film donne un éclat fascinant aux jours et aux nuits d’un Saint Laurent miné par le désabusement précoce. Prostré sur une banquette du Sept, la boîte chic, pionnière du disco, il dit : « J’ai 33 ans et l’impression d’en avoir 100. » Mais le cinéaste, lui, éblouit par son style et ses trouvailles. […] Tandis que son nom devient synonyme de multinationale, YSL s’absente de plus en plus, y compris de lui-même, en proie à « une fragilité qui le rend fou ». C’est le moment où apparaissent par intermittence un autre visage et un autre corps pour incarner le personnage. Non plus ceux, juvéniles et gracieux, de Gaspard Ulliel (qu’on ­découvre grand acteur), mais ceux d’Helmut Berger, comédien fétiche de Luchino Visconti, le plus proustien des cinéastes — qui devait le faire tourner dans son adaptation de La Recherche. Un coup de théâtre génial et cruel. ­Bonello va jusqu’à confronter son Saint Laurent âgé, déglingué, en larmes, avec la beauté vénéneuse d’Helmut dans Les Damnés, de Visconti, sur un écran de télé. La mise en abyme donne alors le vertige. Cet étrange mélange de fêtes et de funérailles, de magie et de désenchantement culmine avec un défilé sublime, en 1976, dans les coulisses duquel YSL erre comme un fantôme : tout ou presque a été exécuté sans lui. On le célèbre comme jamais, mais il est devenu surnuméraire dans son propre empire. Hanté, à contretemps, par des passions charnelles trop peu ou trop mal vécues, il s’emprisonne, il s’évapore… Pourtant, cette image crépusculaire ne fige rien, le film rebondit encore. C’est l’une des grandeurs de ce biopic pas comme les autres : ne ­jamais prétendre faire le tour de son sujet, ni en percer les mystères. Quand Gaspard Ulliel, que l’on croit être le ­sosie parfait du couturier (on le croyait aussi de Pierre Niney), passe devant un authentique portrait d’YSL, par ­Andy Warhol, la ressemblance n’a plus rien d’évident, et Bertrand Bonello ne cherche pas à masquer l’écart. Yves Saint Laurent reste ailleurs. Insaisissable. »
Louis Guichard – Télérama

Séance

Vernoux (espace culturel Louis Nodon)
vendredi 24 octobre à 21h
samedi 25 octobre à 18h
dimanche 26 octobre à 20h30
lundi 27 octobre à 18h

Lamastre (centre culturel)
mardi 28 octobre à 20h30

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