SILS MARIA

affiche Sils MariaFilm de Olivier Assayas
(Drame – France – 2014 – 2h03 – V.O.S.T.)
Avec: Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz …
Sélection officielle – Cannes 2014

À dix-huit ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre, Helena. Vingt ans plus tard on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Helena…

« Une jeune femme, habillée comme sur un campus américain, papillonne entre deux smartphones et une tablette numérique ; une actrice lasse, sans apprêt, regarde par la vitre du train les sommets alpins et y projette probablement les fantômes de son passé ; cette actrice internationalement fêtée, c’est Maria Enders (Juliette Binoche), armée de son performant petit soldat (Kristen Stewart, irrésistible en secrétaire de star). Les voilà toutes deux embarquées pour Zurich. Il ne s’est encore presque rien passé que déjà le film nous happe. Tout y est magnétique : le visage changeant des comédiennes, les switchs de l’anglais au français, la scénographie embouteillée entre couloirs, cabine et voiture-restaurant, et surtout l’étrangeté du lien immédiatement lisible entre ces deux personnes qui ne forment qu’un seul organisme, l’un étant devenu la prothèse de l’autre. Dans ce train en route vers les cimes, c’est tout le cinéma d’Olivier Assayas qui est monté aux côtés de ses personnages, lui qui n’avait jusque-là jamais atteint une telle altitude, un tel accomplissement, un équilibre aussi parfait entre l’hyper virtuosité scénaristique, la fluidité absolue de la mise en scène, le classicisme souverain d’un cinéma d’observation sociale et d’étude de caractère et en même temps l’audace sidérante de véritables coups de force formels. Sur la fiche Wikipédia de Sils-Maria, on peut apprendre (si on ne le savait déjà) que dans ce petit village des Grisons Nietzsche a eu l’intuition de l’éternel retour. Beaucoup de choses font retour en effet dans la vie de Maria Enders depuis qu’elle s’approche de Sils-Maria : le souvenir de ses débuts, un vieil amant-acteur bien relou, mais aussi une pièce, Le Serpent de Maloja, qui fit d’elle une star. Elle y interprétait une jeune séductrice pulvérisant la vie d’une femme de 40 ans. La proposition lui est faite désormais de jouer la quadra effondrée d’amour. Tout revient, mais en prenant un tour nouveau, déplacé. Quelque chose se forme à l’horizon (la prémonition du déclin, l’entrée dans la seconde moitié – pas la plus drôle – de la vie), aussi menaçant qu’un serpent de Maloja, cette concrétion de nuages qui annonce que le mauvais temps est proche. Et il pourrait durer toujours. Le film procède par une double mise en abyme : interne et externe. Interne : la relation entre Maria Enders et son assistante miroite dans celle des deux personnages de la pièce qu’ensemble elles répètent. Une relation trouble où se mêlent désir et lien hiérarchique, vécus sur un mode amoureux et violent dans la pièce, larvés et maquillés en incessant badinage dans la vie. Externe : les personnages entretiennent aussi bien évidemment un jeu d’échos avec les actrices qui les interprètent. Parfois sur le mode de l’identité : actrice française reconnue à Hollywood, revenant au théâtre, en contrat avec des marques, Maria Enders est moulée sur la carrière protéiforme de Juliette Binoche. Parfois sur celui du décalage : une des grandes jubilations du film est de voir l’une des plus grandes movie-stars mondiales, Kristen Stewart donc, se glisser dans un savoureux faux second rôle, petit robot qui a abdiqué tout ego, Sancho Panza se tenant publiquement toujours un pas en arrière de Juliette Binoche. Si Kristen Stewart interprète son contraire, sa figure médiatique (la jeune actrice de blockbuster un peu agitée qui vient faire de “l’art” en Europe) est néanmoins inscrite dans le film, mais endossée par une troisième actrice, la teen-star de Kick-Ass, Chloë Grace Moretz. Les actrices du film, les actrices dans le film, les actrices dans la pièce du film, toutes se reflètent et composent une fascinante galerie des glaces, mi-transparente, mi-réfléchissante, où l’art et la vie sont sans cesse réinjectés l’un dans l’autre. Le film charme d’abord par l’extrême précision de sa verve satirique. De Demonlover à L’Heure d’été, on sait l’aptitude d’Olivier Assayas à camper des milieux sociaux très divers et à en pointer très finement les plus subtils protocoles. Dans Sils Maria, il cerne toute la bizarrerie de cette petite entreprise éphémère qu’est un spectacle (film, pièce), où le code exige de gommer toutes les marques hiérarchiques et de mimer une grande horizontalité amicale (les scènes d’intimité quasi conjugales entre la maîtresse et l’esclave sont de véritables bijoux de drôlerie), et où cependant les affrontements de pouvoir sont partout infiltrés, et où chacun se fera tôt ou tard humilier – et la pauvre Maria Enders de façon spectaculaire. Incisif, précis, ultra contemporain, le film l’est aussi dans sa cartographie d’une nouvelle géographie virtuelle, qui constitue désormais l’espace où chacun s’éploie. Le film entrechoque l’hyper local (les sommets alpins, les cols escarpés, la nature sans l’homme) et l’hyper globalisé (tout le gotha artistique et people mondial traverse d’une façon ou d’une autre Sils Maria). De ce magma, le film orchestre un entrelacs hybride. Toute nature d’image circule : un vrai documentaire des années 20, une fausse émission de télévision, de fausses vidéos YouTube, un pastiche amusant de blockbuster 3D… Sils Maria est un huis clos bergmanien traversé sans répit par les grands flux d’images, de commerce et de communication de notre monde. La grande apnée en soi d’une retraite montagnarde y est sans cesse bousculée par le chahut planétaire. […] Éternel retour, vie éternelle mais ailleurs, péremption de toute forme de gloire et d’attachement, le temps du film est pour le personnage celui du plus dur des apprentissages : faire le deuil de soi. Et le dernier plan sur le visage lumineux de Binoche est très beau. Le renoncement au combat y a pris un tour serein, son regard se perd de façon énigmatique vers le haut du cadre. Que regarde-t-elle ? Peut-être un serpent de Maloja mental porteur de grands orages. Mais maintenant il ne semble même plus lui faire peur. »
Jean-Marc Lalanne – Les Inrocks

Ce film est précédé du court métrage
METUBE: AUGUST SINGS CARMEN HABANERA
Film de Daniel Moshel
(Expérimental – Autriche – 2013 – 04′)

Hommage à ces milliers d’utilisateurs de YouTube et de blogueurs vidéo à l’ambition débordante, adeptes plus ou moins doués de l’autopromotion sur Internet qui se sont forgés un public au niveau international.

Vernoux (espace culturel Louis Nodon)
samedi 20 septembre à 21h
dimanche 21 septembre à 18h
lundi 22 septembre à 21h

Lamastre (centre culturel)
jeudi 18 septembre à 20h30
vendredi 19 septembre à 21h

Chalencon (salle polyvalente)
dimanche 21 septembre à 20h30

Bande annonce

Laisser votre avis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.