Film de Stéphanie Di Giusto
Drame, biopic – France – 2016 – 1h52 – VOST
Avec Soko, Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry, Lily-Rose Depp, François Damiens
À travers cette figure méconnue, c’est un plaidoyer pour la liberté de création qui s’esquisse.
CinémaTeaser
Stéphanie Di Giusto évite l’écueil de la reconstitution historique et du biopic illustré, pour célébrer une femme, une amoureuse, une époque, des héroïnes de leur temps. Et Soko célèbre la beauté du mouvement, le corps vibrant jusqu’en son cœur, dans les battements d’une romance impossible.
Bande A Part
Dans cette épopée où les séquences ressemblent à des tableaux, Soko habite avec beaucoup d’acuité et de sensibilité son personnage, mal dans son corps au quotidien mais épris de liberté sur scène.
Elle
SYNOPSIS
Loïe Fuller est née dans le grand ouest américain. Rien ne destine cette fille de ferme à devenir la gloire des cabarets parisiens de la Belle Epoque et encore moins à danser à l’Opéra de Paris. Cachée sous des mètres de soie, les bras prolongés de longues baguettes en bois, Loïe réinvente son corps sur scène et émerveille chaque soir un peu plus.
CRITIQUE
Pour son premier long métrage, Stéphanie Di Giusto vise haut : raconter le destin oublié de Loïe Fuller, la « fée électricité », qui fascina le Tout-Paris de la Belle Epoque avec sa danse — une envolée florale de soies, tendues à bout de bras grâce à des bambous et colorées par des projecteurs. Une chorégraphie aérienne qui rompait son corps et brûlait ses yeux… La réalisatrice, elle aussi, se libère de la pesanteur : son film n’est pas un biopic, mais une recréation très personnelle, nimbée de la lumière somptueuse de Benoît Debie, chef opérateur de Gaspar Noé : elle ose le lyrisme le plus pompier (superbe scène d’entraînement de jeunes danseuses dans un parc digne de Diane chasseresse), invente à Loïe (jouée par Soko) une jeunesse en forme de western, et, plus tard, un partenaire particulier : un dandy éthéré, mélancolique et impuissant, auquel Gaspard Ulliel prête son charme capiteux. Mais, pour Stéphanie Di Giusto, le plus important reste le processus créatif : chaque étape, chaque croquis, chaque métrage de tissu, chaque directive autoritaire de son héroïne donne naissance à un spectacle magique. Chose rare : elle réussit à nous faire partager le choc esthétique ressenti, à l’époque, par le public. C’est Soko elle-même qui tournoie. Soko et sa beauté farouche, sa sensualité athlétique, sa fièvre de tête brûlée : elle a les épaules d’une grande. Mais une femme ne peut fleurir (et flétrir) qu’avec d’autres femmes : Gabrielle (merveilleuse Mélanie Thierry), la fumeuse de cigarillos, qui ouvre à Loïe les portes des Folies-Bergère et ne la quittera plus jamais. Et Isadora Duncan : dès qu’elle apparaît sous les traits idéaux de Lily-Rose Depp, on sait que les jours de gloire de Loïe sont comptés. Loïe qui vénère le Beau au point de s’y consumer… A travers ces deux danseuses, le film illustre une vérité cruelle : en art, que valent le travail et la volonté face à un être touché par la grâce ?
Guillemette Odicino – Télérama