Film de Stéphane Brizé
(Drame – France – 2015 – 1h33)
Avec: Vincent Lindon, Yves Ory, Karine De Mirbeck …
Prix d’interprétation masculine pour Vincent Lindon – Cannes 2015
À 51 ans, après 20 mois de chômage, Thierry commence un nouveau travail qui le met bientôt face à un dilemme moral. Pour garder son emploi, peut-il tout accepter ?
« »Le cinéma, c’est la vérité du moment où on tourne« , estimait Maurice Pialat. Reprenant à son compte cette formule, Stéphane Brizé a pris le parti d’une image dépouillée de tout artifice dans La Loi du Marché. En résulte un objet filmé à vif, un système pensé pour faire éclater la vérité intime des personnages. Comme il l’avait fait par le passé avec Mademoiselle Chambon et Quelques heures de printemps, le réalisateur français a opté à cet effet pour une structuration en plans-séquences façon documentaire. Subtilité qui n’est pas étrangère à cet effet de réel confondant : les comédiens sont tous des acteurs amateurs jouant leur propre rôle, hormis Vincent Lindon. C’est pourquoi leur jeu semble dénué de toute convention. Inutile de blâmer l’aridité de la mise en scène ou du jeu d’acteurs, car c’est justement grâce à cette exigence que La Loi du Marché fait mouche. Sans surprise – le titre ne laissait pas de doute quant à l’objectif de Stéphane Brizé -, le film radioscopie avec dureté la précarité du monde du travail. Thierry, incarné par Vincent Lindon, est un quinquagénaire au chômage un peu désabusé. Las de se battre contre son ancien employeur, avec lequel lui et ses collègues sont en procès, il est désormais déterminé à se protéger et à trouver un emploi pour payer les études de son fils handicapé. Mais tout joue contre lui : en dépit des formations conseillées par Pôle Emploi, du temps consacré aux entretiens, rien ne fonctionne. Il finit toutefois par décrocher un poste de vigile dans un hypermarché. Un environnement où vont ressortir façon miroir grossissant toutes les injustices et non-sens de la société de marché. Avec un laconisme et une précision infinie, Stéphane Brizé aborde de manière détournée la plupart des tares du monde du travail, en France mais pas seulement : fermeture d’usine, licenciements abusifs, détresse psychologique, suicide… Via des séquences construites sur la durée et où règne le plus souvent un silence de mort, le réalisateur parvient, presque sans jamais tomber dans la caricature ni dans la simple dénonciation, à mettre l’accent sur ce qui coince dans le système. Maillon faible d’une machine infernale dont il ne peut prévoir les cahotements, le travailleur précaire ou chômeur apparaît comme une victime démunie. En filmant par exemple Thierry de profil seul face à son écran d’ordinateur lors d’un entretien d’embauche Skype, Brizé résume toute la monstruosité et l’inhumanité de la procédure d’embauche. Puissance invisible et intouchable, l’employeur indique avec aplomb à Thierry qu’il percevra un salaire de débutant malgré son expérience, et qu’il sera contraint de se plier à la logique de flexibilité de l’entreprise. Et ce dernier d’encaisser les coups sans sourciller. Une fois encore, l’optique de Stéphane Brizé repose sur la résistance des corps. Une façon de se demander jusqu’à quel point l’être humain peut supporter tout ce poids, tant physiquement que psychologiquement. Mais l’idée est aussi de poser une question morale au spectateur, comme le ferait Michael Haneke. La perversion de Stéphane Brizé, qui pourra sembler à certains un peu limite, est d’avoir placé son personnage principal dans la peau d’un vigile contraint d’appliquer à la lettre ce contre quoi il se bat. En espionnant ces consommateurs et employés tentant vainement d’enrayer leur précarité par le vol, Thierry ne fait en effet qu’observer le résultat du système dont il est lui-même le martyr. Ces dizaines de caméras filmant non-stop tous les va-et-vient des badauds et salariés servent ainsi de révélateur dans La Loi du Marché. Tant et si bien qu’en passant des heures à visionner ces dernières, Thierry ne fait en réalité que se contempler lui-même. Mais un homme doit-il aller à l’encontre de sa morale simplement pour adopter la logique du monde en marche et subvenir aux besoins des siens ? Si La Loi de Marché ne propose pas de vraie solution – si ce n’est à demi-mot la révolte -, il met quoi qu’il en soit le doigt avec subtilité sur les problèmes intrinsèques de notre société. Le seul regret est que Stéphane Brizé n’ait pas réussi à changer sa façon de transcrire le réel. Comme dans ses précédents films, les longues séquences servent à la fois à montrer l’inconfort des personnages et à créer un malaise chez le spectateur. Une rhétorique a priori efficace mais qui tourne presque à la formule, et pousse le film au bord du gouffre. Ce perpétuel besoin d’oppresser pour dévoiler quelque chose ou produire une réaction s’apparente en effet davantage à un moyen qu’à une finalité esthétique et intellectuelle. Manque pour cette raison à La Loi du Marché davantage de scènes fortes pour trouver son autonomie. »
Alexandre Jourdain – àVoir – àLire
Ce film est précédé du court métrage
L’ARGENT DES AUTRES
Film de Philippe Prouff
(Fiction – France – 2013 – 11’49 »)
Estelle vient de louper le dernier métro. Elle qui pense avoir déjà bien raté sa soirée, tombe sur Simon, un agresseur pas tout à fait à la hauteur, qui rôde la nuit dans les rues désertes de Paris. La rencontre impossible de deux solitudes.
Vernoux (espace culturel Louis Nodon)
vendredi 26 juin à 21h
dimanche 28 juin à 18h
lundi 29 juin à 21h
Lamastre (centre culturel)
jeudi 25 juin à 21h
mardi 30 juin à 21h
Chalencon (salle polyvalente)
dimanche 28 juin à 20h30