Film de Sacha Wolff
Drame – France – 2016 – 1h44 – VOST
Avec Toki Pilioko, Iliana Zabeth, Mikaele Tuugahala, Laurent Pakihivatau, Petelo Sealeu
1er prix Quinzaine des réalisateurs 2016
Ce thriller à la Audiard est littéralement dévoré par son acteur principal, Toki Pilioko, sidérant.
Ouest France
Sous la linéarité du récit, Sacha Wolff tisse une oeuvre riche et stimulante, un conte sur la liberté et l’argent, le portrait d’une époque.
Positif
« Mercenaire », c’est du sérieux. Et du solide, parce que malgré les scories auteuristes, c’est sacrément bien mis en scène.
L’Express
SYNOPSIS
Soane, jeune Wallisien, brave l’autorité de son père pour partir jouer au rugby en métropole.
Livré à lui-même à l’autre bout du monde, son odyssée le conduit à devenir un homme dans un univers qui n’offre pas de réussite sans compromission.
CRITIQUE
Le mercenaire du titre n’est pas soldat, mais ses barouds, sa puissance et sa solitude y font penser. C’est un colosse de 19 ans et de 110 kilos au bas mot, qui joue au rugby pour un salaire de misère… Des films sur la boxe (très réussis) ou le foot (beaucoup de ratages), ce n’est pas ça qui manque. Sur le rugby, ils sont plus rares. Celui-ci est vraiment original, car baignant dans la culture de Wallis. Le héros vient de cet archipel français de Polynésie. Il a grandi en Nouvelle-Calédonie, à Nouméa, pour des raisons économiques, comme beaucoup de ses compatriotes. Un recruteur le repère un jour sur le terrain et le vend à un club de la métropole. Mais lorsque Soane débarque dans le Sud-Ouest, rien ne se passe comme prévu. Hébergé par un cousin, l’exilé galère, trouve finalement un autre club, qui l’exploite comme du bétail. Le rugby, une grande famille ? Pas vraiment. Qui plus est, certains compatriotes de Nouméa veulent sa peau…
Sacha Wolff, ancien élève de la Fémis, vient du documentaire. Son premier long métrage en porte la trace, notamment par la présence d’acteurs non professionnels. Ce qu’il montre du milieu du rugby (le paternalisme des dirigeants, les corps cassés, le dopage…) obéit, aussi, à un souci de véracité sociale et économique, loin des stéréotypes. Son film n’en est pas moins une fiction, lyrique, presque liturgique. Pas loin d’un récit biblique ou d’une tragédie grecque. Où se jouent des rites de passage, un affrontement avec un père tyrannique, une place à trouver dans la mêlée sanglante du sport professionnel. Dans ce monde de combat qui rappelle, parfois, les films de samouraïs, la violence et l’esthétique s’intègrent de manière limpide à l’histoire océanienne, à sa musique, ses mythes. Ainsi, du légendaire haka des All Blacks — mélange de danse, de chant et de transe —, le cinéaste tire une très belle scène, où Soane, dans le vestiaire, après une défaillance, se tance lui-même, s’ébroue et retrouve l’énergie sauvage capable de ressourcer l’équipe.
Celui qui interprète le héros, Toki Pilioko, est une force de la nature, doté d’un regard doux comme un agneau. Il a quelque chose d’un enfant perdu, parfaitement adéquat à son rôle de déraciné qui tente de se repérer, de se construire, de devenir un homme libre… Le film dépasse, donc, le strict cadre du rugby. Peu de scènes de matchs et d’entraînement, mais elles sont décisives, révélatrices d’un vrai regard de metteur en scène. Sacha Wolff redonne leurs lettres de noblesse moins aux mouvements amples d’attaque qu’à la défense, au plaquage, à la pure et dure obstruction. Il montre le jeu sans ballon, les placements, l’anticipation, les appels. Bref, tout cet ensemble de chorégraphies tendues, de courses haletantes et d’étreintes complexes qui font la beauté primitive et codifiée de ce sport.
Jacques Morice – Télérama