Film de Jeff Nichols
(Drame – USA – 2013 – 2h10 – V.O.S.T.)
Avec : Matthew McConaughey, Tye Sheridan, Jacob Lofland…
Ellis et Neckbone, 14 ans, découvrent lors d’une de leurs escapades quotidiennes, un homme réfugié sur une île au milieu du Mississipi. C’est Mud : un serpent tatoué sur le bras, un flingue et une chemise porte-bonheur. Mud, c’est aussi un homme qui croit en l’amour, une croyance à laquelle Ellis a désespérément besoin de se raccrocher pour tenter d’oublier les tensions quotidiennes entre ses parents. Très vite, Mud met les deux adolescents à contribution pour réparer un bateau qui lui permettra de quitter l’île. Difficile cependant pour les garçons de déceler le vrai du faux dans les paroles de Mud. A-t-il vraiment tué un homme, est-il poursuivi par la justice, par des chasseurs de primes ? Et qui est donc cette fille mystérieuse qui vient de débarquer dans leur petite ville de l’Arkansas ?
A la fin de La Nuit du chasseur, le jeune John décidait de rompre le pacte qu’il avait passé avec son père, pendu pour avoir commis un hold-up meurtrier : garder caché le butin, n’en parler à personne. Ce geste cathartique impressionnant et inattendu constitue l’un des plus beaux moments du film de Laughton. D’un point de vue moral (et religieux), évidemment : on ne peut tenir sa parole, protéger un secret taché de sang. Mais surtout d’un point de vue psychanalytique : on a le droit de se rebeller contre son père, même après sa mort, de lui reprocher de vous avoir confié une mission trop grande pour vous, trop dangereuse pour un enfant. Cette trahison de la parole donnée au père est en réalité un acte de libération qui projette John dans l’âge adulte. On trouve dans Mud, le troisième film de Jeff Nichols, une scène paroxystique un peu similaire, qui donne tout son sens au film. Celle où Ellis comprend que Mud, l’homme qu’il admire (substitut de son vrai père, qu’il juge falot) et aide de tout son cœur et de tout son corps depuis plusieurs jours, prenant des risques inconsidérés pour qu’il retrouve la femme qu’il aime, n’est en réalité qu’un homme comme tous les hommes – et peut-être un peu moins, parce qu’il est mythomane et manipulateur. Alors, en larmes, Ellis vient rompre le pacte d’amitié et de fidélité qu’il avait conclu avec lui. Et c’est par cet acte de rupture, avec la candeur de l’enfance, qu’Ellis se plonge vers un avenir qui passera par un retour vers son vrai père. Mud, lui aussi, va grandir, passer du stade d’adolescent attardé à homme responsable. Mud est un récit initiatique à plusieurs étages, comme les deux premiers films de Jeff Nichols, ce cinéaste de 34 ans au talent incroyable, qui porte sur ses épaules tous nos espoirs dans le cinéma américain futur. Moins austère, classique dans le filmage, plus mainstream en apparence, plus vissé scénaristiquement, il démontre malgré tout l’étendue du talent et de l’intelligence de la mise en scène comme la richesse de la culture et de l’imaginaire de Nichols, baignés de la littérature et des mythes américains. Mud nous permet aussi de mieux comprendre ce qui travaille Nichols en profondeur (et ce n’est pas sans rapport avec La Nuit du chasseur) : l’histoire des pères. Réels ou imaginaires, politiques ou artistiques. Il y eut le père invisible (car décédé) et pourtant omniprésent de Shotgun Stories, un homme qui avait vécu deux vies différentes, père alcoolique et maltraitant puis père aimant et repenti, qui n’avait laissé que haine derrière lui. Il y eut le père de Take Shelter, qui entraînait, avec son consentement amoureux, toute sa famille dans la folie dont il était la proie – mais était-il vraiment fou ou génial sauveteur, moderne Noé ? Voici donc Mud, où les pères sont démultipliés et portent tous la folie en eux. Il y a le vrai père, qui n’a pas réussi grand-chose dans sa vie, sinon faire fuir son épouse, la mère d’Ellis ; il y a le symbolique, le héros aventureux et fou d’amour, le père de substitution qu’Ellis se choisit parce qu’il le juge plus beau que le vrai ; il y a le dieu protecteur, Dieu le père (Sam Shepard), ange de vie et de mort qui veille sur Mud ; et il y a enfin le père indigne, le “parrain” mafieux qui poussera tous ses fils vers la mort. Les temps ont changé depuis La Nuit du chasseur : il n’y a pas que les enfants qui grandissent ; les pères aussi peuvent grandir, ou “se” grandir.
Ce film est précédé du court métrage:
CE N’EST PAS UN FILM DE COW-BOYS
Film de Benjamin Parent
(Fiction – France – 2012 – 12′)
Le Secret de Brokeback Mountain est passé hier soir à la télé. Vincent l’a regardé et ça l’a bouleversé. Il profite de la récréation et de l’intimité des toilettes du collège pour raconter de manière touchante et naïve le film à Moussa. De l’autre côté du mur, dans les toilettes des filles, Jessica, elle aussi très affectée, en profite pour poser pas mal de questions sur les deux papas homosexuels de Nadia, le tout avec beaucoup de maladresse.
Vernoux (salle Louis Nodon)
samedi 01 juin à 21h
lundi 03 juin à 21h
Lamastre (centre culturel)
jeudi 30 mai à 21h
vendredi 31 mai à 21h
Chalencon (salle polyvalente)
dimanche 02 juin à 20h30