Film de Rachid Djaïdani
(Comédie dramatique – France – 2012 – 1h15)
Avec: Slimane Dazi, Sabrina Hamida, Stephane Soo Mongo…
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Paris, aujourd’hui. Dorcy, jeune Noir chrétien, veut épouser Sabrina, une jeune Maghrébine. Cela serait si simple si Sabrina n’avait pas 40 frères et que ce mariage plein d’insouciance ne venait cristalliser un tabou encore bien ancré dans les mentalités de ces deux communautés : pas de mariage entre Noirs et Arabes. Slimane le grand frère, gardien des traditions, va s’opposer par tous les moyens à cette union… Rengaine a été tourné durant 9 ans, sans autorisation, avec une équipe composée en majorité d’amateurs non rémunérés – bref, c’est un objet de contrebande, “hors la loi” dit une formule de marketing en vogue. C’est à la toute fin du film, des bandes colorées en bleu-blanc-rouge encadrent le titre et quelques phrases s’impriment sur le générique, qui disent en substance : “Nous avons réalisé ceci sans argent, sans subvention ; nous occupons la marge de la production française.” Le discours n’est pas vraiment neuf et depuis le phénomène Donoma de Djinn Carrénard, le refrain de ces nouveaux cinéastes qui, à défaut de pouvoir exister dans une industrie “embourgeoisée”, promettent à intervalles réguliers d’en bouleverser les fondations. Ce premier film de Rachid Djaïdani, repousse même un peu plus loin les termes de ce cinéma-guérilla. L’affaire ici semble un peu plus ambiguë, en tout cas plus équivoque, et la guérilla n’est pas forcément déclarée contre ce que l’on croit. L’ennemi, pour Rachid Djaïdani, n’est pas tant le cinéma français majoritaire, blanc, friqué et coupable d’exclusion ; c’est un ennemi plus secret et intime : sa communauté, sa religion, sa manière d’être parmi les autres. Voilà la cible réelle et nerveuse de Rengaine : l’islam d’aujourd’hui, ses vieilles lunes traditionalistes et ses désirs de réforme, ses contradictions et ses enseignements que le cinéaste connaît bien et dont il va explorer les moindres replis le temps d’une chronique urbaine agitée. La première force du film est donc de ne pas faire de sa pauvreté son sujet, et même de réussir à en gommer les stigmates (malgré la sécheresse de ses cadres), pour atteindre une forme plus ample de cinéma, où fiction(s) et documentaire se toisent en permanence. Tout commence même sur un air de conte, façon “Roméo et Juliette vivent à Barbès”. Puis Rengaine va s’employer avec une fougue et une inventivité continuelles, a tresser une multitude de portraits à mesure qu’il progresse sur le rythme d’une écriture automatique étonnante de maîtrise, passant de la romance à l’ombre d’un polar, de la tragédie à la drôlerie sans rien perdre de son accroche au réel. D’un frère à l’autre, du plus libéral au plus illuminé des croyants, le film se balade ainsi à l’aveugle dans cette famille musulmane tentaculaire où il recueille une série de paroles contradictoires qui dessinent le portrait d’un islam à multiples entrées. Au cœur de ce dédale de récits et de personnages, quelque chose de très beau surgit enfin dans l’obstination têtue du couple à revendiquer ses désirs contre la communauté, qui lèvera le voile sur un ensemble d’interdits dissimulés dans cette famille pas si traditionnelle. Cette obstination, on le devine, c’est aussi celle du cinéaste dont on retrouve ici et là des signes de sa vie passée de boxeur dans une mise en scène compulsive, frontale et impatiente, dans une manière de filmer de très près les corps dissemblables de sa troupe. Deux superbes plans rapprochés sur les visages exténués de ses acteurs concluront ainsi le film sur une scène de pardon bouleversante, une petite révolution à l’échelle de ces communautés apaisées. Où se lit peut-être une autre définition, plus belle et courageuse, de cet islam qui en effraie certains, un islam qui doute, qui s’interroge, bute sur son époque mais finit par se réinventer.
Bande annonce
Vernoux (salle Louis Nodon)
samedi 05 janvier à 21h
dimanche 06 janvier à 17h
lundi 07 janvier à 18h & 20h30
Lamastre (centre culturel)
jeudi 10 janvier à 21h
vendredi 11 janvier à 21h
Chalencon (salle polyvalente)
dimanche 13 janvier à 20h30