Film de J.J. Abrams
(Science fiction – USA – 2015 – 2h15 – V.F. – 2D & 3D)
Avec: Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac, Adam Driver, Mark Hamill, Carrie Fisher, Harrison Ford, Anthony Daniels …
Trente-cinq ans après les événements du Retour Du Jedi, les aventures d’une nouvelle génération de héros dans une galaxie lointaine, très lointaine…
« Cela ne nous était jamais arrivé dans toute notre vie de spectateur de Star Wars : désormais, le personnage principal est dans la même position de savoir que nous. Les spectateurs, abasourdis, qui ont découvert en 1977 la première trilogie (épisodes IV, V et VI) exploraient pour la première fois un univers très constitué et une bible narrative complexe où tout était à découvrir. Ceux qui vingt ans plus tard ont vu la deuxième trilogie (épisodes I, II et III) assistaient à une sorte de remix technologiquement upgradé de la première trilogie, dont la séduction tenait pour beaucoup à la réactivation de vieux fétiches (sabres laser, ordre Jedi, etc.) et de quelques personnages (Obi-Wan, Yoda…). Mais sa nature de prequel empêchait cette nostalgie Star Wars de s’inscrire dans la fiction (puisque tout avait lieu vingt ans plus tôt). Désormais, puisque l’action se déroule trente ans après l’épisode IV, l’effet de miroir fonctionne à plein régime ; des deux côtés de l’écran, la même connexion aux émotions et à l’imaginaire de l’enfance. Rey (la puissante Daisy Ridley), cette jeune et ravissante pilleuse d’épaves qui zone sur la sinistre planète Jakku, est comme nous : une spectatrice de Star Wars, voire même une méga fan. Elle connait déjà les faits d’armes de chacun (“Vous êtes le fameux Han Solo” lance-t-elle à un Harrison Ford hébété, avant d’enchaîner “Vous avez combattu aux côtés de Luke Skywalker, je crois… “). Son enfance a été bercée par des histoires d’affrontements entre Jedi et Sith. Et, comme nous, elle connaît la stupeur et le délice, à chaque station de son périple, de voir ressuscitées toutes ces figures doudous: Han Solo donc, mais aussi Chewbacca, la princesse Leia, C-3PO, R2-D2 et pourquoi pas Luke Skywalker… Cette inscription à même le récit de la nostalgie, cette prise en compte de la ferveur émue de ces retrouvailles, est une des très grandes réussites de ce nouvel épisode. JJ Abrams, qui a aussi exhumé au poste de co-auteur l’antique Lawrence Kasdan, qui avait écrit L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi, réussit l’exploit d’éviter l’emphase, la pompe, mais aussi le pastiche, le clin d’œil rigolard. Le premier rallumage de sabre laser, le premier décollage du Millennium Falcon le casque de Dark Vador rendu à l’état de vieille relique maléfique, donnent lieu à de véritables petites liturgies de mise en scène – comme autant de cierges déposées aux pieds du mythe. Mieux encore, le bouleversant premier face-à-face entre la princesse et Han Solo, avec, passé l’obligatoire champ/contrechamp ce recadrage sublime sur le côté et en recul, comme induit par une soudaine bouffée de pudeur, est une petite merveille de découpage, comme si, tout à coup, le film avait le tact de laisser ses personnages s’abandonner à leurs émotions, subtilement soustraits à notre regard. La croyance est là, au plus vif, intacte, mais pas la momification. Aucune ironie, ni second degré, mais pas non plus la noirceur un peu plombée de la fin de la prélogie (qui racontait il est vrai la bascule dans une dictature). On sait depuis Super 8 la délicatesse extrême d’Abrams pour restituer la vibration particulière des cinéphilies de l’enfance et on en retrouve ici toute la saveur acidulée. L’un des points saillants de ce Réveil de la Force est d’ailleurs de se tenir finalement plus près de Super 8 (du côté de la douceur, l’émotion, les brumes d’une légère mélancolie) que de l’autre saga intergalactique mise en scène par Abrams. On retrouve en effet assez peu de Star Trek dans ce Star Wars. La virtuosité visuelle inouïe que le cinéaste déployait pour chorégraphier les virevoltantes batailles de l’Enterprise, sa façon de concevoir tout plan comme une petite scénographie lumineuse, tout en clignotements, reflets, taches multicolores, au bord de l’abstraction graphique, paraît ici mise en veilleuse. Moins d’expérimentations plastiques et plus de profondeur fictionnelle ; moins de matières en fusions, de délires artificiers et plus de puissance psychologique. Aucune volonté d’hydrocution formelle, pour qu’en demi-teintes sourde l’émotion. Cet immense respect pour l’identité de la saga, cette façon assez modeste qu’a le cinéaste de se mettre au service d’une entité qu’il considère manifestement comme plus grande que son univers propre, s’accommode toutefois d’un certain nombre d’innovations. Elles portent pour l’essentiel sur une volonté politique de rénovation. Comme par exemple l’inscription parmi les principaux protagonistes de la nouvelle trilogie, un acteur noir (là où Samuel L. Jackson, en membre du conseil Jedi dans la deuxième trilogie, n’occupait qu’une fonction assez périphérique). John Boyega interprète ici Finn un stormtrooper, soudainement pris d’horreur pour les massacres qu’il est sommé de perpétuer, et se retourne contre son commandement. La première scène, lorsque son casque blanc est soudainement maculé de sang, et qu’un plan insistant sur cette stigmate rouge permet de lire une émotion humaine sur cet appendice de métal est d’entrée un des climax dramatiques du film. Même revirement vers plus de mixité (de couleur, de genre) en matière du personnage principal. Si la princesse Leia, puis Amidala, imposaient des figures féminines stratèges et rebelles dès les deux premières trilogies, aucune n’avaient la polyvalence de Rey la pilleuse d’épaves, véritable guerrière dont les prouesses physiques constituent les principales scènes d’action du film (dans une logique de féminisation du film de genre dans la droite lignée d’Hunger Games ou Divergente). Il n’est pas indifférent que le grand duel au sabre laser final soit pour la première fois un combat mixte. A la fois réformateur sur le fond et extrêmement déférent sur la forme, d’un très grand soin dans sa direction artistique et d’une facture sereinement classique, trépidant dans l’enchaînement de ses péripéties et profond dans le développement de ses caractères, le film est un modèle d’équilibre. Star Wars VII est non seulement à la hauteur de l’attente mais il permet à la franchise de reprendre la main sur l’industrie du spectaculaire hollywoodien. Et s’impose avec Mad Max – Fury road non seulement comme un blockbuster très réussi mais aussi, tout simplement, comme un des meilleurs films de l’année. »
Jean-Marc Lalanne – Les Inrocks
Vernoux (espace culturel Louis Nodon)
mercredi 06 janvier à 17h (3D)
mercredi 06 janvier à 20h30 (2D)
samedi 09 janvier à 21h (3D)
Lamastre (centre multimédia)
vendredi 08 janvier à21h (2D)
dimanche 10 janvier à 17h (2D)