Film de Na Hong-jin
Thriller, policier – Corée du Sud – 2016 – 2h36 – VOST
Avec Kwak Do-Won, Hwang Jeong-min, Chun Woo-hee, Jun Kunimura, So-yeon Jang
Interdit -12 ans avec avertissement
(…) NJH prouve que l’horreur foutraque venue de Corée peut encore ressembler à une enquête trop folle, trop dense, trop coriace pour nos petites épaules.
Première
« The Strangers » s’impose comme un film total, une proposition de cinéma profondément généreuse dans sa folie.
Cinéma Teaser
Barré, diaboliquement iconoclaste, le dernier Na Hong Jin réinvente le cinéma d’horreur et se pose en chef d’oeuvre, étourdissant et insaisissable.
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SYNOPSIS
La vie d’un village coréen est bouleversée par une série de meurtres, aussi sauvages qu’inexpliqués, qui frappe au hasard la petite communauté rurale. La présence, récente, d’un vieil étranger qui vit en ermite dans les bois attise rumeurs et superstitions.
CRITIQUE
Le Coréen Na Hong-jin n’a peur de rien. Et surtout pas des excès. Après avoir entraîné le polar vers des sommets de violence graphique avec The Chaser (2008), puis The Murderer (2011), le cinéaste applique le même traitement de choc au cinéma fantastique. Toujours un cran plus loin dans la profusion (des personnages, des rebondissements), la fureur et la virtuosité de la mise en scène.
Difficile de résumer l’intrigue foisonnante de The Strangers. Tout part d’une série de meurtres barbares dans un village de montagne. Pendant l’enquête, Jong-gu, inspecteur benêt et un peu couard (comme tous les policiers dans les films de l’auteur), va être confronté à une succession de phénomènes inexplicables. Une épidémie de fièvre et de pustules purulentes frappe les habitants ; la forêt est hantée par un homme aux yeux rouges assoiffé de sang ; une mystérieuse jeune femme erre la nuit ; et, surtout, la propre fille de Jong-gu semble touchée par une malédiction : l’adorable gamine au visage d’ange se métamorphose en une furie ordurière, comme si elle était possédée par une entité maléfique…
Entre morts-vivants à la George A. Romero et fantôme féminin aux cheveux longs digne du fameux Ring, ce melting-pot surnaturel fait craindre la surchauffe. Mais Na Hong-jin ne se laisse jamais déborder par ses influences tous azimuts et son imagination délirante. Au contraire, il les canalise par une manipulation diabolique du spectateur qui, pendant près dedeux heures quarante, ne sait pas à quel saint (ou, plutôt, à quel démon) se vouer. Fidèle à son style outrancier, le réalisateur passe sans prévenir du thriller campagnard au mélodrame familial, de la satire sociale à l’épouvante pure, avant de fusionner tous ces genres en un maelström explosif. Une attaque, terrifiante, d’un zombie cannibale se transforme ainsi en un grand moment de burlesque gore. Et deux séances de désenvoûtement feraient presque passer L’Exorciste de William Friedkin, pour une bluette. Ici, le chasseur de diable n’est pas un prêtre au visage grave, mais un chaman juvénile habillé comme un proxénète de Harlem. Le réalisateur filme son rituel d’exorcisme dans la durée, long crescendo qui culmine en une transe assourdissante. On en ressort groggy, mais ravi.
Comme d’habitude, Na Hong-jin fait un peu trop durer le plaisir, au point de proposer deux épilogues pour le prix d’un. Mais il termine par le plus fort, le plus « raccord », aussi, avec la noirceur croissante du film. Comme si les ténèbres envahissaient le monde pour de bon…
Samuel Douhaire – Télérama