Film de François Dupeyron
(Drame – France – 2013 – 2h04)
Avec: Grégory Gadebois, Céline Sallette, Jean-Pierre Darroussin …
Film présenté dans le cadre du festival Roman & Cinéma
Frédi perd sa mère. Cette dernière lui a transmis un don. Il ne veut pas en entendre parler mais il y est contraint, forcé de reconnaître que ses mains guérissent… Il s’interroge. D’où vient ce don ? Qu’importe, il l’accepte… il lâche prise.
« François Dupeyron est un franc-tireur qui a démarré sur les chapeaux de roue (Drôle d’endroit pour une rencontre, 1988), a connu ensuite quelques hauts (la Chambre des officiers, 2001) pas mal de bas et se retrouve aujourd’hui sans chapeaux ni roue à filmer sur la jante quand le système de production le lui permet. Un système auquel Dupeyron consacre trois pages (sur six) du dossier de presse de son nouveau film, pour hurler contre l’inculture des producteurs, indépendants ou pas, sous domination, voire dictature «soviétique» de la télé. Et de citer, gag à pleurer, le cas d’un «décideur» d’Arte que la mention du nom de Tarkovski fait fuir : «Non, Tarkovski, c’est pas possible.» Ces coups de tête sont aussi des coups d’intelligence : «On est en face de gens qui ne sont pas plus cons que les autres, c’est le système qui les rend idiots, assassins. Parce qu’au fond, ils ne font que protéger leur petit privilège…» On va dire «Dupeyron exagère, c’est plus compliqué, il y a du pour et du contre, il faut raison garder…» Certes, bien sûr et va te faire foutre. Car un Dupeyron en rogne, surtout dans ses excès, vaut mieux que le conte de fées de la grande famille des Bisounours du cinéma français. On ne peut donc que se réjouir qu’il ait trouvé un producteur (Paulo Branco) pour adapter un de ses romans, Chacun pour soi, Dieu s’en fout. Le film se lance dans la foulée de son titre au parfum de licence poétique, parfois incommodant quand il nimbe de sainteté le corps du personnage principal : Frédi, un gros et grand bonhomme qui vivote dans un midi de la France hivernal et cabossé, entre crises d’épilepsie, élagage (son métier) et papa dépressif pour cause de veuvage récent et de chômage longue durée. Dans un inframonde entre vie en mobile-home immobile et tournée générale de 16, documenté par Dupeyron avec empathie mais sans hystérie. De sa maman, il a hérité le charme d’apposer ses mains de guérisseur sur différents malheurs, du mal de dos au cancer généralisé. Un don surnuméraire dont Frédi ne sait pas trop quoi faire, plus embarrassé que fier. Frédi, c’est l’acteur Grégory Gadebois, au-delà du sensationnel dans sa façon de jouer qu’il ne joue pas. Les quelques scènes où il va aux putes, ou plutôt à la pute, belle brune qui tapine en camionnette, sont un modèle de tendresse humaine. Autour de ce soleil, Dupeyron fait graviter d’autres planètes, dont Marie Payen et Céline Sallette, elles aussi idoines en femmes «modernes», c’est-à-dire aux abois des hommes, des enfants, des combines foireuses et des arrangements pourris. Parfois, comme des coups, les gros mots fusent, et les beignes. Mais il n’y a pas que Frédi pour s’excuser. Les images (d’Yves Angelo) aussi qui, sans donner dans le poster social, genre «couché de soleil sur les pauvres», cadrent un paysage français massacré par les bricolages de l’urbanisme périphérique, tout en suggérant qu’entre les gouttes d’acide, il y aura toujours un recoin où construire son cabanon, faire griller des saucisses, s’aimer. Bref, se tenir en retrait sans pour autant sonner la retraite. Sur le tard du film, se mêle à cette excellence un rien de lourdeur sentencieuse où il est question de rédemption. Ce faux pas tord la cheville, mais n’empêche pas le film de marcher. »
Gérard Lefort – Libération
Séance
Vernoux (espace culturel Louis Nodon)
samedi 04 octobre à 21h
lundi 06 octobre à 20h30
Lamastre (centre culturel)
mardi 07 octobre à 20h30